Comme nous l'avons vu dans la partie diagnostic, le toucher est assujetti à beaucoup de stéréotypes, qu’ils soient physiques ou sémantiques. Dans cette seconde partie, nous allons davantage problématiser le sens du toucher en lui-même en se demandant dans un premier temps, pourquoi ce sens a été mis de côté et assujetti à sa fonction d'emprise sur les choses ? Puis, dans un second temps, est-ce que le toucher peut se déployer autrement ?
A. Le toucher et ce qu'on pense du toucherUn toucher associé à la main
Comme vu dans la première partie diagnostic, l'utilisation du toucher est souvent rapportée, de manière réductrice, à la partie du corps avec laquelle on touche, en l'occurrence la main. Alors je me demande : est-ce que l'association forcée du toucher et de la main n'assigne pas le toucher à sa fonction de manipulation et d'emprise sur ce qu'elle touche ?
Dans un ouvrage approfondi sur la philosophie du toucher et du corps, prenant comme point de départ les réflexions de Jean-Luc Nancy, issues de son livre Corpus, Jacques Derrida écrit “comme toujours, écrit-il, tendance irrésistible, on pense d’abord et trop aux mains, à la manière, à la manœuvre ou à la manipulation : saisie, compréhension, préhension, captation.” 1
Comme remarqué par Derrida à propos du toucher, on pense directement à la main et à son rôle de prise et de manipulation. Cette idée réduit le toucher à sa fonction pratique, comme si toucher revenait seulement à contrôler ou à maîtriser ce qu’on touche.
D'ailleurs, Jean-Louis Chrétien dans une citation reprenant la pensée d'Aristote dans son ouvrage De l’âme, décrit la main comme un symbole du toucher dans son rôle de “prise” sur le monde. Il dit que “la main pour Aristote est la main préhensive, la main qui prend, serre et tient, et donc la main vide ou vacante, la main qui peut tout devenir parce qu’elle n’est rien, ce en quoi elle est comme l’âme ” 2
. Ici, la main est considérée comme ce qui permet de prendre, de saisir et de tenir. Elle est “préhensive ”, c’est-à-dire qu'elle permet d'agripper et de maîtriser ce qui l’entoure. Finalement, la main ne se contente pas de sentir ou de percevoir, car elle agit directement sur les objets, elle s’en empare.
Figure 12
Illustration représentant la zone du corps avec laquelle on touche au musée
comparée à la zone du corps avec laquelle on peut toucher.
À travers l'exemple de cette main qui est naturellement associée au toucher, le sens du tact est assujetti (encore une fois) à son pouvoir d’appropriation, d'emprise sur les choses (et le monde). Le toucher est alors un sens de la maîtrise, de la domination sur les objets, plutôt qu'un sens de relation ou d'ouverture. La main est vue comme un outil/instrument pour saisir et contrôler, c’est pourquoi le toucher est trop souvent réduit à sa définition de fonction pratique et utilitaire dans la société et au musée.
Un toucher associé au travail
Cet aspect utilitaire du toucher évoqué juste avant est dévalorisé par notre société et surtout par la société pré-18ème siècle. Le toucher était étroitement associé au travail manuel et à l’artisanat, où la main et le toucher sont essentiels pour façonner et transformer la matière. Avant le 18e siècle, ces métiers étaient considérés comme modestes par rapport aux disciplines intellectuelles comme la philosophie ou la science, qui, elles, privilégient la vue et l’ouïe. Cette distinction entre les sens a créé une hiérarchie : au-dessus, les sens de distance, comme la vue qui sont associés au savoir intellectuel, et en dessous, le toucher, sens de proximité, ancré dans le concret, le physique. Dans cette idée là, Didier Austry écrit :
- “De par sa mise en distance des choses, la vue est le sens le plus noble et surtout le plus en rapport avec la pensée. Il faut bien reconnaître que la philosophie a d’ailleurs en partie hérité de cette prééminence de la vue : theoria, en grec veut dire contemplation, et donc l’activité philosophique était approchée comme un “pur voir”.”3
La vue, en particulier, est valorisée parce qu’elle permet d’observer sans intervenir, de garder une distance, ce qui lui donne un sentiment d’objectivité. Cette distance donne à l’observateur l’impression d’accéder à une compréhension universelle/globale. L'observateur est libéré des contraintes matérielles. La vue est donc considérée comme noble et pure, car elle se construit sans contact direct avec l’objet. Au contraire, le toucher implique une présence immédiate et physique. Il a une relation directe avec l’objet soumis aux contraintes matérielles, ce qui le place du côté de l’action et de la manipulation. Cette proximité fait que le toucher est souvent vu comme une forme de connaissance plus terre-à-terre, moins abstraite, car il engage le corps de façon concrète. Le toucher semble toujours un peu en retrait par rapport à la vue, car il ne peut s’éloigner de l’objet et paraît limité à une relation matérielle avec le monde, un sens utilitaire plutôt que contemplatif. Dans cette pensée du pré-18e siècle, le toucher n’est donc pas perçu comme une source de savoir noble, car il est associé aux besoins pratiques, à la production, et donc, dans une société qui valorise le théorique, il devient moins prestigieux.
Figure 13
Illustration représentant la hiérarchie des sens humains.
Un toucher revalorisé
Cependant, au cours du 18e siècle, le mouvement des Lumières et du sensualisme, vient bouleverser cette hiérarchie des sens. Les philosophes de l’époque comme Étienne Bonnot de Condillac dans son œuvre Traité des sensations 4
, commencent à remettre en question la place inférieure du toucher en l’intégrant dans des réflexions philosophiques sur la connaissance (du monde). Au lieu de voir le toucher comme un simple outil pratique, le sensualisme le voit comme un moyen direct de connaître, au même titre que la vue ou l’ouïe. Le toucher devient un sens fondamental pour ressentir la matérialité des objets (texture, température, volume...). Ainsi, le sensualisme revalorise le toucher en le mettant au rang de moyen de connaissance à part entière, lui permettant de s’émanciper de son rôle purement manuel. Ce qui peut paraître encore une fois réducteur quant au potentiel du toucher (que nous étudierons dans la deuxième sous-partie). Mais le toucher est quand même valorisé comme offrant une relation plus intime avec le monde : considéré comme un sens de relation au lieu d'être un sens pratique. Il permet de ressentir la réalité d’une manière intime, corporelle et réciproque c'est-à-dire qu'on est à la fois celui qui touche et celui qui est touché, et c'est très important dans la pensée de Condillac, car cette réciprocité est une connexion qui va au-delà de la manipulation/appropriation/contrôle : ici, il y a une forme de respect pour la chose touchée, une manière de l’aborder sans chercher à la soumettre, c'est une découverte de l'autre et de soi-même.
Pour conclure sur cette sous-partie , le toucher reste souvent enfermé dans des idées qui limitent son potentiel :
D’abord, on associe presque toujours le toucher à la main, comme si c’était son organe principal. Nous l'avons vu dans les études de cas et dans la philosophie, la main est vue comme l’outil par excellence du toucher. Mais en se concentrant uniquement sur la main, on oublie que l’organe du toucher, c’est en réalité la peau, donc le corps tout entier. Chaque parcelle de peau est capable de sentir donc tout le corps est une immense surface de contact avec le monde.
Si on libère le toucher de la main, on pourrait voir le corps comme une interface globale, où toucher n’est pas juste une question de prise mais plutôt une ouverture vers l’extérieur.
Ensuite, le toucher est souvent réduit à son aspect manipulatoire : il serait un moyen de saisir, de tenir, d’avoir un contrôle sur les choses. Mais existe-t-il des formes du toucher qui échappent à cette emprise ? Des gestes où le toucher devient une manière d’accueillir, sans tenter de maîtriser ? Est-ce que dans la vie quotidienne il y a des moments où nous touchons pour interagir simplement et pas pour maîtriser ?
Enfin, on a souvent tendance à limiter le toucher à la simple découverte de la matérialité des choses : leur texture, leur température, leur solidité. Le sensualisme, en valorisant le toucher,
a montré qu’il était un vrai sens de rencontre, mais surtout de connaissance directe au même titre que la vue et l'ouïe. Mais est-ce que le toucher pourrait être un sens, qui lorsqu'on touche, nous met en relation avec la chose touchée. Une chose qui, quelle qu'elle soit, est le point de départ, mais pas forcément la finalité. Un toucher devenant un espace de connexion, où il ne s’agit plus seulement de prendre ou de sentir mais d'aller plus loin. Peut-il permettre de libérer un imaginaire chez la personne qui touche ? De voyager dans un récit ? De transmettre une histoire, une narration ?
B. Le toucher qui se déploie autrement
Maintenant que nous avons identifié les raisons pour lesquelles le toucher est réduit à certains stéréotypes, nous nous demandons quelles sont les autres dimensions du toucher, des dimensions plus vastes, plus complexes. Comment le toucher peut-il se déployer autrement ? Mais surtout : est-il possible qu’il se déploie autrement ? N’y a-t-il pas le risque que, toujours, il soit ramené à sa fonction utilitaire, mais de manière masquée et adoucie ?
L'objectif de cette partie B est d’identifier dans quelles expériences quotidiennes le toucher peut déployer un imaginaire. L'imaginaire est souvent associé à la vue, mais peut-il exister un imaginaire du toucher ? Y a-t-il des situations où le toucher stimule des images, des émotions, et même des récits qui émergent du contact, sans chercher à réduire ce qui est touché à une chose manipulable ?
Dans cette deuxième sous-partie de la recherche, nous allons tenter d’adopter une approche phénoménologique, où il ne s’agit pas de valider une hypothèse scientifique, mais d’explorer l’expérience vécue des moments où l'on touche. En tâtonnant volontairement dans la recherche, nous nous autorisons une réflexion libre qui interroge le potentiel de ce sens dans une dimension sensible, relationnelle, et peut-être créatrice.
Pour approfondir notre exploration des dimensions du toucher, il est pertinent de se tourner vers le « corpus du tact » proposé par Jean-Luc Nancy dans Corpus. Publié en 1992, Corpus est une réflexion profonde sur le corps, que Nancy considère comme un élément central de notre existence. Il nous propose une vision du corps rompant avec les idées traditionnelles. Pour lui le corps n’est pas un simple objet ni un simple support de l’âme, il s’agit plutôt d’un lieu “d’ouverture et de relation avec le monde et les autres”. Cet ouvrage est intéressant pour notre recherche puisque d’une part, ce corpus du tact donne de l’importance au corps dans son entièreté vis à vis au toucher (et pas seulement les mains) et d’autre part, il nous rappelle que le toucher ne se limite pas à des gestes de simple saisie ou de contrôle, mais qu’il englobe une diversité d’actes et d’intensités :
“ effleurer, frôler, presser, enfoncer, serrer, lisser, gratter, frotter, caresser, palper, tâter, pétrir, masser, enlacer, étreindre, frapper, pincer, mordre, sucer, mouiller, tenir, lâcher, lécher, branler, regarder, écouter, flairer, goûter, éviter, baiser, bercer, balancer, porter, peser…”
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Le toucher de la caresse
Prenons l’exemple d’une caresse : ce geste invite à se demander s’il cherche à avoir une emprise sur ce qui est caressé ou s’il reste libre de toute volonté de contrôle. La caresse ouvre un espace intime où un imaginaire se déploie, autant pour celui qui caresse que pour celui qui est caressé. C’est un geste qui se distingue de la vue. La vue tend à figer l’autre ou à le rendre objectif. Le toucher à travers la caresse, est un sens de proximité doux voire flou. Dans son essai intitulé Totalité et Infini, Emmanuel Levinas écrit à propos de la caresse qu’elle “ ne vise ni une personne ni une chose” 6
. Elle ouvre un espace intermédiaire, où l’on n’est ni totalement soi ni totalement l’autre, mais quelque part entre les deux. La caresse ne cherche pas à “prendre” ou à “saisir” : elle est une manière d’effleurer, de “ne se saisir de rien”, de toucher légèrement, sans but précis, sans rien vouloir maîtriser.
Si nous revenons à notre objectif d'identifier à quel moment, le toucher permet de déployer un imaginaire, ici le toucher dans la caresse ouvre un champ d'imaginaire de par son absence d'intention de maîtrise, une incertitude où des sensations ou des émotions (réconfort, amour, sécurité ou séduction par exemple) peuvent surgir librement sans que la relation soit contrôlée ou figée. Peut-on aller jusqu'à dire que le toucher, ici la caresse, est un acte créatif ? Créateur de liberté et d'interprétation ?
Figure 14
Illustration représentant l’idée d’être ni totalement soi, ni totalement l’autre
dans le toucher de la caresse.
Le toucher dans la sexualité
Lorsque l’on parle du toucher dans la sexualité, il est courant de le réduire à une fonction utilitaire : la reproduction. De plus, on pourrait penser que le plaisir réside dans une forme d'emprise sur le corps de l'autre, mais le toucher procure autre chose, quelque chose de plus spirituel, désintéressé. Une dimension symbolique qui relève de l’imaginaire et du dialogue intime avec l’autre. Le toucher dans la sexualité permet de dialoguer sans les mots, il dépasse le simple contact physique, c'est un langage à la fois physique et à la fois mental. François Blanchette, sexologue et psychothérapeute écrit dans un article sur l'importance du toucher dans la sexualité que :
- “ Quand on parle de sexualité, le sens du toucher a une grande importance. C'est un moyen de communiquer la tendresse, l'amour, la chaleur, son besoin d'intimité et de rapprochement. De plus, le toucher est non seulement un moyen de communiquer quelque chose, c'est une forme de communication en soi. ” 7
Cette communication par le corps et donc par le toucher ne cherche pas seulement à obtenir un résultat (bien que nous puissions nous questionner sur la recherche de l’obtention du plaisir). Il s’agit aussi d’une forme de rencontre sensible, les gestes deviennent porteurs de sens (mais en même temps sans que ça soit forcément intentionnel), de nuances et de non-dits (comme la caresse étudiée juste avant). Avec ce toucher, on peut explorer le corps de l’autre, mais aussi son propre corps, son monde intérieur, ses émotions, ses intentions (à noter qu’encore une fois, il est question du corps en mouvement dans son entièreté et non seulement des mains).
À propos de l’exploration de son propre corps, dans l’ouvrage Le visible et l’invisible de Merleau-Ponty, celui-ci a écrit : “ Toucher, c’est se toucher. C’est-à-dire que nous ne pouvons jamais toucher le monde extérieur qu’en nous touchant aussi, nous. Sentir le monde, c’est toujours aussi sentir le sentant.” 8
Figure 15
Illustration des gestes porteurs de non-dits.
Le toucher qui unit
Le contact peau-à-peau entre le nourrisson et son parent incarne un toucher libre de toute volonté de contrôle, mais doté d’une profondeur et d’une connexion humaine. Ce moment va bien au-delà d’un simple échange de chaleur ou de confort ; c’est une “expérience de l’humain”, une rencontre intime où l’on touche à la fois “l’humain de soi et l’humain de l’autre.”
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Pour le nourrisson, ce contact est une première ouverture au monde, à travers laquelle il commence à prendre conscience de lui-même et de son environnement. Dans ces échanges sensoriels, il découvre son propre corps, ressent des émotions, et noue des liens qui vont au-delà du simple geste physique. À travers ce toucher, il perçoit l’attention, la tendresse et la présence rassurante de son parent, constituant un espace intime où les émotions et les sensations sont libres de se manifester. Ce premier toucher est donc une véritable source de sécurité et d’amour, de plus, il contribue au développement psychologique et affectif du nourrisson. Les recherches menées à l’université de Miami soulignent d’ailleurs l’importance cruciale du toucher pour les bébés : “Le toucher est un mode tellement critique que son absence retarde la croissance de l’enfant […] Les études sur la physiologie du toucher viennent alimenter un courant continu de recherches sur les bénéfices psychologiques du toucher pour le développement émotionnel” 10.
Ici, le toucher est un langage entre les émotions du parent et celles du nourrisson, où se tisse petit à petit une intimité invisible mais puissante. Le toucher joue un rôle semblable à celui de médiateur. Dans un article de
revue Muséologies
sur la médiation sensible et la sensorialité au musée, Adeline Rispal, architecte et scénographe, décrit la médiation sensible agissant “entre le visible et l'invisible”
11
. Cette notion d’entre-deux a selon moi un lien avec le sens du toucher dans ce contact peau-à-peau concret/visible, car il crée un espace imaginaire/invisible où se manifestent sensations et émotions d'une part humaines et d'autre part difficiles à saisir par les autres sens.
Pour conclure sur cette sous-partie, cette recherche sur comment le toucher peut se déployer autrement tente d'inviter à aller au-delà des stéréotypes qui lui sont habituellement associés pour saisir sa profondeur, sa richesse et surtout sa complexité.
En étudiant des exemples phénoménologiques du toucher entre individus (corps à corps) , nous avons constaté que le toucher peut, sans intention de maîtrise, ouvrir un imaginaire et plus ou moins concrètement un espace intermédiaire inconscient. Cet espace s'ouvre particulièrement lorsque l’on prend conscience de son propre corps à travers l’expérience de l’autre. Dans Le touchant touché dans la relation au Sensible, Une philosophie du contact, Didier Austry écrit : “Le toucher est aussi ce qui me fait sujet : je me découvre par le toucher, et le toucher de l’autre.”
12 Ici, le toucher nous révèle à nous-mêmes et participe à la construction de notre identité en tant que sujet.
Figure 16
Illustration du toucher créateur d’un espace intermédiaire.
C. Bilan intermédiaire
À présent, faisons un bilan de nos recherches :
Dans un premier temps (diagnostic), nous avons étudié l'utilisation du toucher au musée, nous avons conclu que son utilisation par le visiteur était trop limitée et dévalorisée. Dans un second temps (problématique), nous avons étudié les raisons pour lesquelles le toucher était dévalorisé dans la société et donc dans les musées. Et enfin, dans un dernier temps, nous avons étudié d'autres aspects du toucher auxquels on ne pense pas en premier et qui permettent d'extirper le toucher de ce à quoi on l'assigne. Afin d'approfondir la recherche, nous pouvons nous demander :
Quelle différence y a-t-il entre l'utilisation du toucher dans les exemples muséaux du diagnostic et les exemples phénoménologiques de la problématique ? Où et pourquoi l'utilisation du toucher n'est-elle pas la même ? Dans les exemples phénoménologiques, le toucher dépasse son rôle fonctionnel présent au musée pour devenir un acte de relation, d’expression de l’intime, voire d’interprétation non verbale. Il y a quelque chose de l'ordre de l’intuitif, qui semble remonter à nos intuitions et à nos instincts profonds (humains). Même si le toucher s’apprend, quelle que soit la modalité qu’on lui donne, pouvons-nous dire que c'est un toucher qui s’appuie sur l’inconscient ?
Mais alors, pourquoi la plupart du temps nous ne retrouvons pas ça au musée ? Pourquoi le toucher ne
génère-t-il pas d'espace imaginaire ? Est-ce dû à la position intellectuelle que nous prenons lorsque nous allons au musée ? Pour reprendre de nouveau le propos d’Adeline Rispal, c’est "comme si le temps de la compréhension intellectuelle avait volé le temps de l'appréhension sensible"
13 .
Lorsque nous allons au musée, est-ce que nous nous conditionnons à l'avance au type de connaissance que nous allons recevoir (nous allons au musée pour nous cultiver, nous allons au musée pour nous instruire avec des textes et du visuel) ?
Le musée ne pourrait-il pas offrir des visites plus intuitives aux visiteurs ? Et dans ce cas, les institutions culturelles deviendraient des sortes de laboratoires sociaux où d'autres formes de connaissances et d'intelligence sont acquises par les visiteurs ?